D’ABORD, POURQUOI ARRETER LA PUB ?

Depuis leur création, les chaines du service public ont un rôle culturel d’éducation, de découverte, et une obligation de qualité…Or depuis quelques années la différence entre chaines privées et publiques était de moins en moins flagrante (par exemple avec les diffusions de séries américaines boosteurs d’audience). France Télévisions doit donc repartir sur ses objectifs initiaux et devra pour cela suivre un nouveau cahier des charges.

Ou est le rapport ? Je vous explique : Quand pouvez vous voir des programmes un peu culturels ? En deuxième partie de soirée. Et pourquoi ? Parce qu’ils ne remuent pas les foules, ne font pas beaucoup d’audience, et donc n’attirent pas les annonceurs. Sans cette pression de la pub et des annonceurs, la grille de programme pourrait être revue…Vers une nouvelle ère où vous pourrez suivre « vol de nuit » en prime time, ou « France trois région » en access…Pour faire court, les chevaliers de la culture pensent que notre télévision sera ainsi enfin libérée de la contrainte de l’audimat qui incite à l’ajustement des programmes aux désirs –supposés- du téléspectateur ( sous titré « à vendre des programmes de M… pour créer du temps de cerveau disponible »).

Une seconde raison évoquée, (que je trouve obscure ou démagogique, au choix) est que la fin de la pub permettrait de réduire les coûteux programmes générateurs de pub, comme les émissions des animateurs producteurs, les droits sportifs, ou encore les fictions américaines. Ainsi selon certains rue de Valois. « Libérées de l'épée de Damoclès de la pub, France Télévisions pourra arrêter de participer à des surenchères pour acheter des droits ».

Les raisons plus ou moins judicieuses de la fin de la pub sur nos chaines publiques ayant été passées à la moulinette, on peu maintenant passer à LA question qui nous turlupine :

COMMENT VONT ETRE FINANCEES NOS CHAINES PUBLIQUES ? LA REDEVANCE VA T ELLE AUGMENTER ?

Si nous sommes abreuvés de publicités au quotidien, ce n’est pas juste pour faire plaisir aux annonceurs… Non : nos chaines en ont besoin pour faire vivre leurs programmes. Ainsi, la publicité a rapporté un peu plus de 830 millions d'euros à France Télévisions en 2007, soit 30% de son financement. Ca fait beaucoup. Et il faut bien trouver un moyen de compenser.

Face à cette annonce, levée de boucliers chez les téléspectateurs en alerte: « on ne veut pas payer plus pour regarder moins » (oui, elle est facile). Le téléspectateur moyen n’a pas envie de voir sa redevance de 116€ augmenter pour compenser le manque à gagner de la nouvelle réforme qui permettrait de mettre en place des programmes moins populaires (certains diraient élitistes !) et moins regardés.

Mais selon notre président, « la suppression totale de la publicité sur les chaînes publiques pourrait être financées par une taxe sur les recettes publicitaires accrue des chaînes privées (qui récupèrent l’offre publicitaire du public) ». Sauf que l’espace alloué à la publicité sur les chaînes privées est déjà quasiment saturé. Faute d’espace publicitaire disponible, les tarifs s’accroîtraient.

Afin de compléter le dispositif, le président a donc évoqué la création « d’une taxe infinitésimale sur le chiffre d'affaires de nouveaux moyens de communication, comme l'accès à internet ou la téléphonie mobile».

Donc pas d’inquiétude pour nos portefeuilles en théorie !

QUELLES SERONT LES CONSEQUENCES SUR LE PAF ?

Selon Françoise Benhamou (Université de Paris I), « au marché biface de la télévision publique se substituerait un marché monoface ». Dans la première option, l’opérateur vend d’un côté de l’espace à des annonceurs publicitaires, et de l’autre côté il propose des programmes à des téléspectateurs. Dans la seconde option, il se contente de proposer des programmes. Il s’émancipe donc de la contrainte d’audimat, puisqu’il n’est plus soumis à la nécessité de vendre des espaces publicitaires à un prix dépendant du niveau de l’audience.



On peut se dire que c’est une belle évolution…si on ne regarde que l’offre des chaines publiques Mais le marché ne s’arrête pas aux portes de France Télévision. Et une fois mise en concurrence avec les chaines privées…on peut s’interroger sur une TV à deux vitesses…

QUELLES SERONT LES CONSEQUENCES POUR LE MONDE DE LA PUB ?

Effet secondaire de la réforme annoncée, il faut s’attendre à un bouleversement des parts de marché de la publicité entre les catégories de supports, affichage, presse, télévision, internet, radio. Il va nous falloir revoir nos futurs plans médias ! Et si on en croit les évolutions du marché, y a fort à parier que le gâteau ne se partage, pour l’essentiel, qu’entre les chaînes privées de télévision et le Web.

Pour en savoir plus :

Pourquoi Sarkozy veut cette révolution

Le grand bouleversement selon Françoise Benhamou professeur d'économie à l'université Paris-I

Conséquences sur les marchés boursiers

Voila pour l’analyse des causes, manifestations et conséquences de la suppression de la pub sur les chaines publiques… Mais ce changement implique encore beaucoup de conséquences politiques, médiatiques, et sociales…qui seront le thème d’un prochain billet.