Si vous ne réussissez pas, trichez !
Par Jessyca Farrugia le 20 novembre, - Billets du jour, Bonjour - Lien permanent
Nan, je n'écris pas ce billet par rapport au match France/Irlande qui suscite tant de polémiques. Même pas vrai. Et je m'en garderai bien... mes connaissances sur le foot étant aussi étendues que celles sur le point de croix, je ne sortirais que des bêtises.
Bon, je suis les matchs des Bleus de loin -en bouquinant et en faisant le ménage, par exemple- mais surtout pour la partie échange de maillots à la fin, qui est généralement très bien filmée, des plans intéressants, un vrai travail de réalisateur...
Alors bien sûr, j'ai bien mon petit avis sur la question, un avis assez tranché d'ailleurs, qui se résume en substance à "c'est la honte de gagner en trichant." Comment vais je pouvoir vraiment me réjouir dans l'éventualité où on irait loin en Afrique du sud, en me disant que logiquement, on aurait même pas du y aller. Mais bon, passons, laissons les pros disserter sur ce sujet.
Ce qui me fait plus marrer, ce sont les réactions offusquées autour de ça, et le débat éthico socio philosophique qui en ressort.
"Mais vous vous rendez compte, quel exemple pour nos enfants? " - déplore madame Martin, indignée-
"Mais le sport, c'est le fair-play, que reste t-il de cette valeur?" - s'exclame monsieur Planchon, nostalgique-
"Alors, c'est ça, la fin justifie les moyen?" -soupire madame Michaud, la larme à l'œil-
Je répondrai respectivement à ces questions par " un exemple de merde, comme ils en voient tous les jours" - "rien, elle a été remplacée par une autre : le fric" - et "oui".
Quoi, c'est la même personne qui dit ça, et qui la semaine dernière nous faisait l'éloge de la gentillesse? Oui, je n'en ai même pas honte, et je peux vous argumenter ça en trois parties :
D'abord, ça ne devrait même pas vous étonner parce que je suis une fille, et que par définition, je n'en suis pas à une contradiction près,
Ensuite vous avez pu remarquer, si vous êtes un lecteur assidu, que je ne suis pas toute seule dans ma tête, donc je laisse parler mes différentes personnalités à tour de rôle, ça s'appelle la démocratie,
Enfin en tant que pubeuse, je me dois de suivre, et même de précéder les tendances, ce qui veux dire retourner ma veste fréquemment.
Bon blague mise à part, qu'est ce que cette polémique nous apprend?
D'abord, le français a un sens moral très prononcé. Enfin, le pense t-il tout du moins. Il avoue lui même qu'il y a "trichade", et qu'il faudrait rejouer le match. Facile. Puisque le match ne sera pas rejoué, car l'erreur n'est pas technique, mais d'arbitrage. Le français ne risque rien à être honnête.
Le Français indigné,(incarné plus haut par madame Martin) pense à la valeur d'exemple, envers ses enfants notamment. Mais quoi? Vous croyez que les enfants ne savent pas que c'est mal de tricher? Tout le monde a déjà triché, avec le cœur battant à l'idée de se faire prendre. Sauf moi bien sûr. Et puis, ils regardent la télé, les gosses, écoutent de la musique, surfent sur le net... Ils ne sont pas dans une cage où tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil. Les gamins savent que tricher c'est maaaaaaal et qu'être honnête, c'est bieeeeeeen. Mais ils s'en tapent.
Le Français nostalgique (incarné par monsieur Planchon) pense que le sport, c'est sain, porteur de valeurs. C'est pas pour rien qu'Asics s'appelle Asics (Alma Sana In Corpore Sano). Mais hé, ho ! Le fair-play, la politesse, c'est bien joli. Mais là, on jouait notre qualification. Avec les enjeux économiques que ça implique! Alors quoi? Thierry Henry aurait du dire : " Là je ne peux nier qu'il y a main...je souhaiterais donc, conformément à mon positionnement éthique, que le point ne soit pas compté. Non vraiment c'est un plaisir". Et puis ensuite se lever tous les matins en pensant que grâce à son honnêteté, un pan de l'économie tout entière allait se casser la gueule? Et puis, entre nous, vous regardez bien le tour de France de cyclisme... et ses gagnants dopés ! Alors, faudrait pas trop se la jouer indigné, quand même : le sport, c'est une machine à fric, qui se déguise en machine à rêve.
Enfin, le Français larmoyant (madame Michaud plus haut) s'étonne que la fin justifie les moyens. Dans une société en pleine crise, où les jeunes sont obligés de se mettre un panneau autour du coup pour se faire embaucher, où le piston est la plus sûre porte d'entrée dans une entreprise, où les patrons licencient pour se faire plus de bénefs, où les traders vous font perdre des millions... il y a encore quelqu'un pour s'étonner que la fin justifie les moyens ! Et je ne sais pas si je trouve ça rafraichissant, ou bien naïf, ou encore hypocrite.
Mais pour finir, soyons honnêtes ! Le Français ne découvre rien de tout ça! C'est juste que c'est plus simple et moins dangereux pour lui de râler sur un petit épisode sportif, que sur la vie en général. C'est un bon défouloir. Une façon détournée de faire passer un message plus global... d'afficher son malaise...
Bon la prochaine fois, un article moins long, moins noir, moins chiant. Promis.